Gardiens de la nature #3 / Conservatoire du littoral


Hœdic est son île au trésor
 
GARDIENS DE LA NATURE (3/5) Émilie Moisdon est garde du Conservatoire du littoral sur l’île de Hœdic (Morbihan). Sur l’île de ses rêves, elle veille tout autant sur sa petite communauté humaine que sur sa flore et sa faune sauvages d’exception.
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Émilie Moisdon, garde du Conservatoire du littoral, sur l’île d’Hoëdic (Morbihan) / Ishta
Il arrive parfois que le plus beau rêve de son enfance se réalise. Et même complètement. Conte de fées ? Pas cette fois-ci. Ou alors, la fée s’appelle Émilie Moisdon, elle est garde du littoral et veille sur quelque 40 hectares de l’île de Hœdic, à dix milles nautiques (un peu plus de 18,5 km) du continent, en plein Atlantique.
Car le grand rêve d’enfance de cette jeune femme, mariée à un marin-pêcheur de l’île, Simon, et mère de trois enfants, a pour nom « Hœdic », un caillou de granit de 800 mètres sur 2 500 environ et donc d’une surface totale de 210 hectares. Un îlot, un peu plus lointain, préservé et secret que ses sœurs Houat et Belle-Île, très proches.

Entretenir ce petit bout de terre

Ce matin, Émilie Moisdon participe au parage (entretien des sabots) de sa jument Urianne et de son poney shetland Saxo, « tous deux de races rustiques, qui vivent dehors toute l’année, même quand la tempête déferle sur les grèves ». Ils sont ses meilleurs auxiliaires paysagistes, broutant dans la roselière du hameau de Paluden, en fin d’été, pendant un mois entier, empêchant ainsi que ce milieu naturel ne se ferme, ne soit trop envahi par les arbustes et finisse par ne plus pouvoir accueillir de nombreux oiseaux d’eau. « Ce sont de bonnes tondeuses, ironise la garde du littoral. Depuis six ans qu’ils sont sur l’île, nous n’avons plus à faire qu’un minimum de fauchage. Avant, il fallait faire venir un tracteur spécial, à pneus larges basse pression, depuis le continent, ce qui nous coûtait cher… »
Gardiens de la nature (2/5) : Chasseur de braconniers
On pourrait imaginer, à la regarder courir les sentiers sablonneux de Hœdic, qu’Émilie Moisdon est née entre océan et immortelles des dunes. « Pas du tout ! », rit-elle, pointant de l’index la tête de cerf – certes exotique en ces lieux – qui est accrochée au fronton de la porte d’entrée de sa maison. « Ça, c’est un trophée familial. Je suis née dans la Marne, dans la montagne de Reims. Ma mère, ma grand-mère et même mon arrière-grand-mère étaient des chasseresses redoutables. Enfant, je courais la forêt en compagnie des traqueurs. Avec mon grand-père, j’ai été initiée à l’ornithologie. J’ai donc baigné dans un milieu naturaliste, depuis ma naissance. »
Ensuite, des études supérieures en ethnologie et en conseil culturel ont nécessité de passer quelques années à Nanterre et à Paris. Mais Émilie Moisdon eut alors la bonne idée de consacrer ses mémoires de maîtrise et de diplôme d’études supérieures spécialisées (Dess) à… Hœdic. Mais pourquoi un tel penchant pour une petite île invisible depuis la montagne de Reims ? « Je dois ça aussi à mes parents. Ils nous emmenaient toujours ici lors des vacances d’été. Mon père y venait déjà, adolescent, pour faire de la voile. Puis, en 1989, la famille a acheté une petite maison. J’avais 18 ans. Je venais quand je voulais et j’ai rencontré, alors, mon futur mari. »

Réservoir de biodiversité

Aujourd’hui, garde du littoral depuis 1999, Émilie Moisdon est toujours amoureuse de son île. Il y a, bien sûr, ces joyaux naturels qu’elle ne se lasse jamais d’observer et de protéger : plages de sable blanc, rochers couverts de varech, roselière, prairies humides, landes à genêts « et à menhirs », où croissent et se multiplient plantes et animaux rares, pourpiers de mer, œillets et giroflées des dunes, ophrys de la passion, lis de mer, guillemots de Troïl, pingouins, fous de Bassan, grands gravelots et bécasseaux sanderling, hirondelles des rivages, rousserolles effarvattes, tadornes de Belon, foulques et grèbes castagneux…
Gardiens de la nature (1/5) : Garde-forestière, métier de passion
La jeune femme s’investit aussi beaucoup dans la restauration et la gestion du fort de Hœdic, une citadelle « à la Vauban », construite dans les années 1850 et devenue gîte d’accueil, où de nombreux chercheurs, notamment des universités de Vannes et de Toulouse, trouvent toit et couvert exceptionnels.
Mais, comme toutes ces responsabilités ne lui semblent pas encore suffisantes pour rendre à Hœdic tout le bonheur qu’elle estime lui devoir, Émilie Moisdon est adjointe au maire de l’île qui compte quelque 140 électeurs. Elle est même, actuellement, dans son troisième mandat. « Cet engagement supplémentaire me vient peut-être de mon éducation, mais je crois que, ici, sur un petit territoire, il n’y a pas de vie possible si chacun ne donne pas beaucoup aux autres, à la communauté. Car chacun reçoit tant de bien, aussi. »

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Repères. Un littoral sous bonne garde.

Le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est un établissement public créé en 1975. Membre de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), il assure la protection de 200 366 hectares (fin juin 2018), sur plus de 700 sites et 1 600 km de rivages maritimes, soit 15 % du linéaire côtier national.
Près de 900 gardes et agents du littoral sont ainsi employés par les collectivités locales et les associations gestionnaires des espaces protégés. Ils entretiennent, mettent en valeur les espaces naturels et accueillent les visiteurs. Ils protègent aussi le patrimoine culturel du littoral (forts, phares, amers remarquables…).
Antoine Peillon (envoyé spécial à Hœdic, Morbihan)